Le comble de la fidélité : Récit de l’amour du voleur amoureux

Mes compagnons dans l’amour de Dieu. On  a raconté que Al-Asmaʿi a dit : « Je suis entré à Bassora , cherchant, en fait,à atteindre le site des Béni Saâd. Bassora était en ce temps gouvernée par Khaled  Ibn Abdullah Al Kasri. Un jour , je me suis rendu chez lui , et j’ai trouvé une foule de gens qui tenaient en mains un beau jeune homme , bien mis et très poli.Il avait une belle figure , dégageait une bonne odeur , portait une belle tenue  et manifestait une quiétude et une noblesse qui forcent le respect ». La foule l’a présenté devant Khaled , qui leur a demandé , quelle était son histoire ? On lui a dit  que c’était un voleur qu’ils avaient attrapé, hier, dans leurs maisons. Khaled l’a dévisagé  et a été ébloui par son état et sa propreté . Il a dit : « Laissez –le , ». Puis,  il s’est approché de lui  et s’est enquis de son histoire . Il a dit : « Ce qu’ils ont dit est vrai . Les choses se sont passées telles qu’ils les ont décrites ». Khaled lui a dit : « Qu’est-ce qui t’as poussé à le faire , alors que tu as une belle tenue et une belle image » ? Il a dit : « Ce qui m’a poussé , c’est l’engouement pour les biens de ce monde et c’est ainsi que Dieu , l’Exalté,  le Très Haut, l’a prescrit. Khaled  lui a dit : « Que ta mère porte ton deuil ! ta belle image , ta maturité d’esprit , ta bonne prestance morale ne t’ont pas dissuadé de commettre ce vol ? » Il a dit : Ô ! Emir , ne te préoccupe pas de ça et exécute ce que Dieu t’a ordonné de faire en pareil cas , « Cela est dû à ce (mes) mains ont commis .Allah n’est sûrement point un Archi Injuste  envers ses créatures ».  Khaled s’était- tut un moment , méditant le cas de ce jeune homme , puis il s’est approché de lui  et lui a dit : « Ton aveu devant tout le monde , m’a semblé suspect , et moi je ne pense pas que tu n’es pas un voleur , mais tu as une autre histoire que le vol, dis –la moi » . Il a dit : Ô ! Emir,  tu ne sauras que ce que j’ai avoué devant toi  et que je n’ai aucune autre histoire  à dévoiler , que le fait que j’ai pénétré dans la maison de ces plaignants , que j’ai volé des biens. Ils m’ont attrapé , ont repris leurs biens et m’ont amené devant toi ». Alors,  Khaled a donné l’ordre de l’emprisonner  et a chargé un crieur de clamer à Bassora : « Quiconque veut assister à l’application de la sentence de tel (Foulen)le voleur  à qui on va couper la main , qu’il se présente demain » .

Une fois consigné en prison et enchainé par les pieds , le jeune homme expire profondément et compose les vers suivants :

هَدَّدَنِي خَالِدٌ بِقَطْعِ يَدِي * إِنْ لَمْ أَبُحْ عِندَهُ بِقِصَّتِهـَـــــــا

فَقُلْتُ: هَيْهاتَ أَنْ أَبُوحَ بِمَا * تَضَمَّنَ القَلْبُ مِنٌ مَحَبَّتِهَا

قَطْعُ يَدِي بِالّذِي اعْتَرَفْتُ بِهِ * أَهْوَنُ لِلْقَلْبِ مِنْ فَضِيحَتِهَا

Khaled m’a menacé de couper ma main

Si je ne lui dévoile pas monsecret

J’ai dit : « Jamais je ne dévoile ce

Que le cœur renferme de son amour

La coupure de ma main pour ce que j’ai avoué

Est plus supportable au cœur que son scandale »

Et voilà , que certains geôliers l’ont entendu réciter ces vers, alors ils se sont précipités chez l’Emir pour l’informer de ce qu’ils ont entendu. A la tombée de la nuit , l’Emir a ordonné qu’on amène le voleur . Une fois devant lui , il l’a interrogé  et a découvert qu’il était lettré, sage , beau parleur et sympathique .L’Emir a été  ébloui par sa prestance. Il a, alors,  commandé de la nourriture , ils ont mangé ensembles et ont bavardé pendant une heure. Puis , Khaled  a dit au jeune homme : «  J’ai appris que tu avais une autre histoire que celle du vol, alors, demain, quand les gens et les juges viendront  et  que je t’interroge sur le vol , nie –le et avance des alibis qui t’éviteront la sentence de la coupure de la main , car le prophète , que Dieu prie sur lui et le salue , a bien dit : « Empêchez les canons /sentences par les doutes ». Le lendemain matin tous les habitants de Bassora étaient venus assister au châtiment du jeune homme . Quant à l’Emir Khaled,  il a pris sa monture et accompagné des dignitaires de Bassora ,il s’est dirigé vers l’endroit et une fois arrivé , il a appelé les juges  puis il a  ordonné qu’on fasse venir le jeune homme . Ce dernier est arrivé croulant sous ses chaines , ce qui a fait pleurer les femmes présentes .L’émir lui a dit : « Ces gens ont prétendu que tu es entré dans leurs demeures  et que tu as volé leurs biens , qu’as –tu à dire ? » . Le jeune homme a dit : «  Ils ont dit vrai. J’ai pénétré dans leur demeure et j’ai volé leurs biens » . Khaled lui a dit : « Peut-être que tu as volé ce qui est en dessous du seuil incriminé(anniçab). Il lui a répondu : « Mais non , j’ai volé ce qui correspond au seuil incriminé ». L’émir lui a dit : « Peut –être que tu es associé à quelque chose avec ces gens ! » .Le jeune homme lui a répondu : « Mais tout ce que j’ai volé leur appartient  et j’en ai aucun droit ».

L’émir s’est fâché. Il s’est levé et l’a frappé avec son fouet sur le visage  et il a dit à titre d’exemple :

L’individu espère réaliser son souhait,   et Dieu décide de ce qu’Il veut.

Puis il a donné l’ordre de couper la main du jeune homme .Le geôlier s’est présenté , il a sorti le couteau et a tendu la main du jeune homme et y a posé le couteau .A cet instant , une jeune fille s’est détachée du groupe de femmes qui assistaient , elle s’est jeté sur le jeune homme en criant . Puis,  elle s’est dévoilée , laissant apparaitre un visage comme la lune , dans sa splendeur .Ce qui a déclenché un grand brouhaha parmi les gens , qui a failli tourner à l’émeute .La fille s’est adressée à l’émir de vive voix en disant : « Je vous prie par Dieu,  ô ! émir , n’applique pas la sentence avant de lire ce rouleau de papier ». Puis,  elle lui a tendu le rouleau , l’émir l’a déplié et y a découvert un écrit qui disait :

أَخَالِدُ هذا مُسْتَهامٌ مُتَيَّمٌ * رَمَتْهُ لِحاظِي مِن قِسِيِّ الحَمالِقِ
فأصْمَاهُ سَهْمُ اللَّحْظِ مِنِّي فَقَلْبُهُ * حَلِيفُ الهَوَى مِنْ دَائِهِ غيرُ فائِقِ
أَقَرَّ بِمَا لَمْ يَقْتَرِفْهُ لِأنَّهُ * رَأى ذاكَ خَيْراً مِنْ هَتِيكَةِ عاشِقِ
فَمَهْلاً عَلَى الصَّبِّ الكَئِيبِ لِأنَّهُ * كَرِيمُ السَّجايا في الْهَوَى غيرُ سارق

Ô ! Khaled c’est là un amoureux envouté

Que mon regard a percé de ses lances

La flèche de mon regard lui a abasourdit le coeur

Qui  s’est allié à une passion dont il ne s’est pas réveillé

Il a reconnu ce qu’il n’a pas commis parce qu’il a

pensé que cela vaut mieux que de dévoiler une passion

Soyez patient avec cet amoureux, malheureux, car

Il est généreux de nature et en amour n’est pas voleur.

Quand l’émir a lu ces vers , il s’est éclipsé des regards  et s’est isolé des gens. Puis il a convoqué la jeune fille et l’a interrogée sur cette histoire. Elle lui a raconté, que le jeune homme est amoureux d’elle, comme elle est amoureuse de lui  et qu’il a voulu lui rendre visite et l’informer de son refuge .Alors il a lancé une pierre sur la maison , mais son père et ses frères ont entendu le bruit et se sont précipités vers le toit . Quand le jeune homme a senti qu’il allait être découvert , il a ramassé le linge de maison et en fit un paquet .Alors ils l’ont attrapé avec le butin et ils ont pensé que c’était un voleur et l’ont emmené devant toi. Là, il a avoué le vol et a persisté dans son aveu, au prix d’être amputé de la main afin de me protéger et de m’éviter le scandale devant mes frères .Tout ceci à cause de sa bravoure et de sa générosité. L’émir a dit : « Il est vraiment digne de ces qualités . Puis,  il a convoqué le jeune homme et l’a embrassé entre les yeux, et a ordonné d’amener le père de la jeune fille et lui a dit : « Ô ! cheikh, nous avons pris la décision d’appliquer la sentence sur ce jeune homme en lui coupant la main, mais Dieu m’ a épargné  de cet acte.   Je lui ai octroyé la somme de dix mille dirhams  pour le geste qu’il a fait , en sacrifiant sa main pour sauvegarder ton honneur et celui de ta fille .  J’ai donné l’ordre d’octroyer à ta fille la somme de dix mille dirhams  et je vous demande d’accepter qu’elle se marie avec ce jeune homme ». Le cheikh a répondu : « J’accepte.Ô ! émir. Ainsi,  le jeune homme a pu épouser la jeune fille.

Traduit de l’arabe du livre Qawlun ‘Ala Qawl (قولٌ على قول) . 

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